Enseigner l’éthique biomédicale en faculté de médecine : un exercice de subversion empathique - Fondation Ostad ElahiFondation Ostad Elahi

Enseigner l’éthique biomédicale en faculté de médecine : un exercice de subversion empathique

par Alex Mauron

Résumé

La Faculté de médecine de Genève a été la première des cinq facultés de médecine suisses à instituer un enseignement explicite d’éthique biomédicale (dès 1995) dans le curriculum pré-gradué des futurs médecins. Cette innovation s’inscrivait dans un contexte marqué par une autonomisation très marquée des facultés, et un « air du temps » favorable à l’expérimentation pédagogique. Il a donc été possible de revisiter la question de l’enseignement de l’éthique médicale à partir d’une réflexion de fond sur la nature des savoirs et des aptitudes concernées. Ce travail théorique et pratique sera brièvement présenté, ainsi que certaines conclusions générales que nous avons tirées de cette expérience.

Parmi celles-ci, il y a la conviction que la question de la didactique est indissociable de la question des contenus. L’innovation que représente l’arrivée de la bioéthique dans le programme des études de médecine s’inscrit naturellement dans la réforme des modes d’enseignement des branches médicales « classiques ». Elle implique une interdisciplinarité active basée sur la curiosité mutuelle plutôt que le respect excessivement courtois des barrières entre disciplines. Un certain alignement sur les habitudes pédagogiques de la médecine – particulièrement de la médecine clinique – est probablement nécessaire. Cependant, cela ne signifie pas que les fondements de l’éthique doivent être négligés, mais il convient de subvertir les préjugés anti-théoriques présents chez de nombreux futurs soignants plutôt que de les affronter directement par un enseignement de philosophie morale qui susciterait le rejet. Enfin, il convient d’utiliser de façon constructive les interrogations éthiques des étudiants eux-mêmes lorsqu’ils commencent à être confrontés à des situations troublantes et qui engendrent leur perplexité. Par ce biais, l’enseignement de la bioéthique participe de façon significative à la construction d’une identité professionnelle des médecins ouverte sur le futur, en particulier sur la radicalité croissante des enjeux d’éthique sociale concernant la santé.