Comment se représenter l’être humain pour répondre aux urgences d’aujourd’hui et de demain ?
Résumé
L’humanisme non-religieux fait depuis des siècles le pari que l’homme peut et doit croire en lui-même. Or si la philosophie entend s’inscrire aujourd’hui dans l’héritage de cet humanisme non-religieux, elle doit alors mesurer l’immense différence de contexte et de gravité des questions qui se posent désormais à l’être humain du fait de ses propres actes. Le changement climatique entraîné par l’industrie humaine et les conséquences vertigineuses qu’il risque de produire, la nécessité de parvenir à une gestion aussi pacifiée que possible de la coexistence de sociétés complexes, la nécessité non moins impérieuse de trouver le moyen d’assurer un développement juste des sociétés qui y aspirent légitimement et de parvenir à la mise en place de modes d’organisation juste pour toutes les sociétés humaines développées ou moins développées, la définition difficile de l’héritage nous allons laisser aux générations futures : toutes ces questions ont un caractère d’urgence absolue et de gravité extrême qui ne pouvait être envisagé par l’humanisme religieux et non-religieux du XVIe siècle. Un humanisme contemporain doit certes poser qu’il faut croire en l’homme : ne pas le faire serait désespéré et suicidaire ; s’en remettre à la grâce d’une divinité serait une réponse proprement religieuse et à jamais controversée. Mais une fois que la nécessité de croire dans les ressources de l’être humain est posée, quel est l’homme dans lequel nous devons croire ? Quel est le modèle de l’humanité qui nous semble digne de l’humain, et devant être à la fois sauvé et promu ? Une grande partie de la philosophie éthique et politique contemporaine est confrontée à cette question. Deux grands modèles philosophiques s’affrontent. Le premier consiste à tenter de fournir une définition de ce que doit être une vie bonne pour l’être humain. Le second consiste à refuser de fournir une telle définition, en estimant qu’elle est contradictoire avec la liberté essentielle de l’être humain. Mais comment, dans le premier modèle, parvenir à concilier une définition essentialiste de l’humain et la représentation que les sociétés et individus modernes ont d’eux-mêmes comme des libertés ? Et comment, dans le second, parvenir à se représenter l’être humain comme une liberté et parvenir dans le même temps à définir avec précision le legs que nous pensons devoir laisser aux générations futures ?