Les souffrances de la dépendance - Fondation Ostad ElahiFondation Ostad Elahi

Les souffrances de la dépendance

par Nathalie Sarthou-Lajus

Les drogues sont présentes à toutes les époques et dans toutes les cultures. Mais aucune culture n’a connu pareille extension des phénomènes addictifs, des diverses toxicomanies jusqu’aux addictions à la nourriture, aux jeux vidéo, aux écrans, aux achats compulsifs… Une certaine approche publicitaire tend à gommer la dimension de souffrance dans l’addiction. Selon cette approche, on peut être accro ou addict à tout et n’importe quoi pourvu que le plaisir soit intense : le chocolat, l’alcool, une personne, un animal, le foot, la philo… Sauf que certaines addictions provoquent des dépendances beaucoup plus douloureuses et toxiques que d’autres.

Le questionnement sur les souffrances spécifiques de la dépendance dans les addictions nous ramène à l’étymologie latine qui rapproche l’addiction d’une forme d’esclavage intime. Addictus en latin : être dit par. C’est l’esclave dont le nom et la vie sont dits, fixés par son maitre. Aujourd’hui l’addict, c’est celui dont l’identité est dite, fixée par son addiction : être alcoolique, cocaïnomane, etc. L’addict est défini par le produit auquel il est affilié et qui est devenu son maître, comme l’esclave pendant l’antiquité était nommé par le maître auquel il était voué. Dans les deux cas il y a aliénation : on perd sa liberté et son identité. L’étymologie latine est aussi intéressante par le rapprochement qu’elle permet d’opérer entre l’addiction et la dette, au sens où dans le droit médiéval, l’addiction signifiait qu’un débiteur est contraint par corps et passible de prison quand il ne peut s’acquitter de ses dettes. Au-delà de l’image de l’esclavage, cela donne à penser tout ce qu’une personne est prête à payer en souffrances jusqu’au vertige de l’autodestruction.