Le risque de psychologisation de l’expérience spirituelle en temps de maladie
par Nicolas Pujol
L’intérêt croissant du monde de la santé pour la spiritualité soulève de nombreuses questions. Parmi elles, une apparaît à la fois centrale et difficile, celle des frontières entre le domaine du spirituel et du psychologique. Les conceptions émergentes de la spiritualité, centrées à la fois sur la vie subjective individuelle (il existerait autant de spiritualités que d’individus) et sur son potentiel thérapeutique (la spiritualité serait une ressource intérieure mobilisable en temps de maladie) contribuent en effet à brouiller les pistes. Prenons l’exemple des intervenants en soins spirituels au Québec qui remplacent les aumôniers confessionnels et intègrent les équipes de soin : ils déploient un nouveau langage pour parler de la spiritualité, celui des valeurs, du sens, de l’espoir, de la transcendance. Or, si ce nouveau langage détraditionnalisé leur permet de se démarquer de la sphère religieuse, ne les conduit-il pas trop près de la sphère psychologique ? Cette question importante et légitime appelle selon nous un travail d’élaboration et d’approfondissement de la catégorie de psychologisation. Que recouvre exactement ce concept et en quoi est-il pertinent pour analyser l’intérêt croissant du monde de la santé pour la spiritualité ? À partir de quels critères serait-il possible de parler d’une psychologisation de la spiritualité dans le monde de la santé ? C’est à ces deux questions que cette intervention propose d’apporter des éléments de réponse. Nous espérons, ce faisant, contribuer à nourrir la discussion autour des frontières entre le domaine du spirituel et du psychologique qui traverse aujourd’hui la littérature soignante spécialisée.