Presse | Fondation Ostad Elahi

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Paru dans les Echos du 26 juin 2006

L’éthique individuelle, un nouveau défi pour l’entreprise

L’éthique de l’entreprise devient l’affaire de tous. Depuis plusieurs années, de nouvelles pratiques ont été développées : chartes déontologiques, programmes de développement durable, agences de rating, labels éthiques, traçabilité… Sur le plan capitalistique, l’idée de partager la création de richesse avec les salariés de l’entreprise s’est peu à peu installée dans la plupart des grands groupes occidentaux et de plus en plus dans les PME (grâce aux plans retraite et d’épargne). Cette évolution, identifiée comme “ l’éthique des affaires ” (business ethics), a notamment donné lieu à des avancées dans les domaines de l’environnement et de l’éthique collective. Remarquons au passage que les entreprises les plus sujettes à caution sur les questions d’environnement et d’éthique ont été les premières à avoir investi sur ces questions pour en faire un axe de communication important vers leurs consommateurs ! Et, au final, cette éthique “ collective ” a participé au développement d’un “ souci éthique ” au sein de la société de consommation, malgré ou en raison des scandales juridico-financiers qui ont touché ceux là même qui vantaient leur éthique des affaires.

Destination, l’éthique individuelle
Pour autant, on constate une montée en puissance du mal-être et des pathologies de stress au travail qui semblent indiquer que la collectivité a encore beaucoup de chemin à parcourir pour que chacun de ses membres profite individuellement de l’éthique collective. C’est dans ce contexte que s’inscrit la réflexion sur le rôle de l’éthique individuelle dans l’entreprise. Elle en est à ses balbutiements mais il faut parier sur son essor dans les prochaines années. Des universités, comme HEC Montréal, ont montré la voie par un travail d’étude pratique sur le rôle de l’éthique dans le management. La vraie question est de concevoir l’entreprise comme un terrain d’exercice privilégié de l’éthique et de mieux-être social sans pour autant renier sa vocation de création de richesses ni le principe de la libre concurrence. Les premières expériences permettent de démontrer qu’il est possible de développer des sociétés spécialiser dans le commerce équitable, d’avoir des fonds éthiques… dont la rentabilité financière n’est pas inférieure à la moyenne des rendements financiers du marché. Comme l’avait déjà bien montré un colloque organisé en 2004 à Sciences Po par la Fondation Ostad Elahi en collaboration avec la Chaire de Développement Durable, le développement du souci éthique est donc un enjeu de société et son imprégnation de la conscience collective ne peut se faire que progressivement.

Pour une écologie des relations du travail
Le rôle des entrepreneurs est majeur dans ce processus et leur sensibilité à l’éthique déterminante pour créer une “ véritable écologie éthique des relations du travail ”. Le défi que représente le développement d’une éthique individuelle des managers passe par une éducation de la pensée aux critères éthiques du travail.  Pour autant c’est bien l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise qui devra être sensibilisé au comportement éthique afin de façonner une conscience éthique de l’entreprise. Si le droit du travail est déjà porteur d’une vision éthique par les choix des droits qui sont définis et protégés par la norme légale, la question de l’éthique dépasse le champ du légal  car elle est l’expression de l’humanisation de la société : “ elle est à ce titre le cœur même de l’histoire des hommes que nous sommes, une histoire orientée vers l’accomplissement des rapports qui assument le fait de la co-existence et de la nécessaire reconnaissance d’un monde partagé et partageable. ”*
Comprendre que tel acte est éthique ou pas impose qu’un système de valeurs serve de référence. Le pragmatisme et l’expérimentation de chaque individu compensent aujourd’hui l’absence de normes. La question qui se pose est de savoir s’il est pensable de trouver un cadre de référence universel au comportement éthique dans l’entreprise. Au fond, il n’y a d’éthique que d’individu : les individus qui la font vivre et se développer sont les acteurs qui par leurs intentions, leurs choix, et leurs actions au quotidien font naître une éthique d’entreprise. L’éthique est donc avant tout affaire d’hommes et de femmes de bonne volonté qui contribueront à faire progresser l’idée et la pratique de l’éthique dans le travail avant que les structures ne s’en emparent pour l’ériger en norme acceptée par le plus grand nombre**.

Laurent Bibard, docteur en philosophie et économie, Professeur à l’ESSEC –
Stéphan Chenderoff, Membre du Directoire de Cyrus Conseil, membre de Croissance Plus

* Les actes du colloque “ l’Ethique Individuelle, un nouveau défi pour l’entreprise ”, Préface Michel Bon, A.Ballot, L.Bibard, G.Even-Granboulan, C.Ganem, M.Grassin, Editions l’Harmattan, Ethique en contextes, 2005.

** Cf Colloque “ Ethique et travail décent ” du 9 avril 2005 organisée sous l’égide de l’AICESIS au Conseil Economique et Social – actes à paraître

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